:

bouton sondage

Avertissement

30 juillet 2018

Respecter mais humilier

ou "Comment allier Domination et valeurs personnelles"


  Tout d'abord, il faut que je vous dise: le principe de l'humiliation dans le BDSM et le plaisir qu'on en retire est encore un sujet bien nébuleux pour moi. Il me reste tant à explorer...



  Comme vous le savez déjà, la notion de respect est une notion à laquelle je tiens beaucoup. Je ne vois pas les soumis comme des êtres inférieurs, comme des sous-hommes (comme certain.e.s aiment à l’écrire aussi bien Dom que soumis) mais comme des personnes qui ont le courage et la force de reconnaitre leurs envies, leur nature et qui font le choix, en toute conscience et liberté, de remettre le pouvoir sur eux entre les mains d'une autre personne.
Pendant longtemps, et je l'avoue j'ai encore parfois quelques réticences / incompréhensions, je ne comprenais pas comment une personne pouvait avoir le besoin d’être humiliée ni comment une personne dominante pouvait éprouver l'envie et le plaisir d'humilier celui-celle qui s'offre à elle. Tout ceci ne me semblait pas très compatible.

 Mais très rapidement, je me suis rendue compte  que cette notion d'humiliation est en fait une chose très subjective, ce que l'un trouvera humiliant, l'autre ne le considèrera pas comme tel, voir même comme un honneur. J'ai aussi compris qu'une même action vue comme humiliante sera excitante pour l'un et pas pour l'autre. Et je ne vous parle même pas du contexte qui peut lui aussi rendre plus ou moins humiliante une pratique.
Mais, par-dessus tout, l'humiliation est une question d’état d'esprit, de part et d'autre.

 Pour exemple, prenons l'action de prendre son soumis au gode ceinture. S'il s'agit toujours d'un acte de "possession", il peut être fait dans des objectifs bien différents: soit rabaisser le soumis, soit lui faire vivre un moment de plaisir (déjà apprécié ou à découvrir), voir les deux en même temps.
Pour ma part, lorsque j'ai commencé à dominer, je ne voyais pas cet acte comme humiliant pour le soumis et ne le faisais donc pas dans l’état d'esprit d'humilier. Mais, au fil du temps, je me suis rendue compte que pour certains cela signifiait être rabaissé, être traité en "femelle" (alors que pour moi il n'y avait rien de cette connotation dans le fait de prendre un homme, considérant juste que c’était là une autre façon de prendre du plaisir pour un homme - d'ailleurs il m’était arrivé dans le passé d'aller chatouiller le point P de certains de mes amants les moins coincés afin de renforcer leur plaisir-). 
Je me suis également rendue compte que cette humiliation aidait les soumis à se sentir encore plus soumis, à lâcher prise davantage et qu'il me suffisait de prononcer des mots comme "chienne" pour que cela les emmènent sur une autre planète où ils sont encore plus dociles et dévoués, pour mon plus grand plaisir.

 Les mots, voilà aussi une chose qui ne me fut pas aisée. Autant je peux être une infernale bavarde, autant lorsque je domine je n'ai besoin que de très peu de mots et, en plus, je n'ai jamais été une adepte des mots crus... il m'a fallu là aussi  faire sauter chez moi un verrou. Ce fut en échangeant avec l'un de mes soumis dont j’étais la plus proche que j'ai pu commencer à comprendre ce que ces mots qu'ils entendent leur font: ne plus être la personne civile, ne plus être celui qu'ils affichent à longueur de journée..
Ce que j'appelle les "mots doux" les aident à se débarrasser du masque qu'ils affichent à longueur de journée, de cette image que la société et leur éducation leur demande d'arborer, mais aussi à vivre ce qu'ils n'oseraient jamais vivre dans un état de "conscience normale".
Une cagoule sur la tête de ce soumis m'a permis, grâce à la dépersonnalisation qu'elle induit, de me lâcher sur ce plan et d'y prendre beaucoup de plaisir.

 Puis, il y eut ce soumis qui m’agaçait mais dont j’aimais malgré tout m'amuser à l’occasion. Après un de ses comportements de sale gosse idiot, j'ai accepté de le recevoir bien décidée à lui montrer de quel bois je me chauffe, à lui faire "payer" le prix de son incorrection.
Moi qui n'avais jusque là jamais été attirée par le fait de faire manger quelqu'un dans une gamelle (toujours cette difficulté à faire ce que moi je perçois comme humiliant), je l'ai fait manger dans son assiette plus bas que moi (pas au sol, j'ai un chat et je ne voulais pas que ce soumis soit déconcentré de ce qu'il subissait) mais sans couvert... Tandis que je savourais mon propre repas confortablement installée, je le voyais se démener tant bien que mal à attraper les petits bouts de pâtes avec sa langue et du bout des lèvres... dans un même temps, je m'amusais de le voir ainsi mais  j’étais aussi fière de lui car il n'en mettait pas partout et n'avait pas laissé une miette. À ce moment là, je ne sais ce qui s'est produit en moi, mais sans même y réfléchir, je me suis levée, l'ai attrapé par le collier et l'ai trainé jusqu'à la salle de bain. Là, j'ai mis sa tête par dessus le rebord de la baignoire et lui ai passé le jet d'eau froide dans la figure, histoire de le débarbouiller. Je ne vous dis pas le pied que j'ai pris !... 

Ce jour-là, j'ai juste fait ce dont moi j'avais envie sans me poser de questions, ce jour-là j'avais envie de savoir celle que je pourrais être si j'oubliais ce que mon éducation m'a appris, si j'oubliais "ce qui ne se fait pas" et cela fut libérateur.

 Comme quoi, vous voyez, tout est question d’échelle de valeurs personnelles: prendre un homme au gode ceinture, n’était pas "outrageant " à mes yeux, mais le traiter en chien oui...
Tout ceci peut paraitre fort anecdotique pour qui est dans le BDSM depuis un certain temps, pour qui n'a jamais eu de problème à dépasser son éducation mais pour moi ce fut un cap. Depuis ce jour-là, je me lâche enfin plus...

 Il semble que si pour les soumis il ne soit pas forcement simple de dépasser les codes sociaux du mâle "dominant", il n'est pas non plus forcement simple pour tous les Doms de dépasser les clivages enseignés par la morale: on ne maltraite pas une personne ni moralement ni psychologiquement.
Mais, dans le BDSM, tout est au-delà de ces clivages grâce à cette chose essentielle: le consentement et c'est cela qui change tout.
 Donc oui, il m'a fallu rencontrer, observer,explorer, pour comprendre et pouvoir moi aussi me rendre compte de tous les bienfaits de l'humiliation dans le BDSM et pour y prendre beaucoup de plaisir.
Et vous savez quoi? Je suis très curieuse de savoir jusqu'où je pourrai aller... car j'ai  très envie de découvrir ma part la plus "sombre" 😈 😈

Un article externe: doc original ou PDF



Lady Agnès


P.S: Et le chien? Eh bien, il n'a jamais aussi bien rampé que depuis ce jour-là et je lui réserve une petite surprise pour sa prochaine visite dont je me délecte rien que d'y penser... une surprise que je trouvais avant trop humiliante car trop ridicule mais dont aujourd'hui la simple idée me fait frémir de plaisir.😋

23 juillet 2018

Guide du parfait domestique (2)



 Guide du parfait domestique (1)

Ah, Prégador, que de doux et délicieux frémissements, j’ai éprouvé à la lecture de cet article en m’imaginant avec un soumis à demeure dont la vie serait régie par des règles de domesticité….

Cela me confirme, s’il en était besoin que ma Domination est vraiment dans cet « axe »…. et peu importe qu’il y en ait pour me dire « esclavagiste » (MDR) alors qu’ils n’ont fait que deux ou trois tâches ménagères pour me servir…


Le troisième volet de ce projet sera fait à quatre mains, car je foisonne d'idées 


Lady Agnès





Guide du parfait domestique (2)

par Prégador


L’Angleterre me fascine.
La culture de la perfide Albion, ainsi que l’état d’esprit, l’humour et bien d’autres de ses facettes, m’ont toujours très attiré.
C’est incroyable à quel point nos meilleurs ennemis peuvent être à la fois très proches et si éloignés de nous…

A ce jour, de leur culture, je n’ai évoqué que certains mythes romanesques de la fin du XIXème.
Bien entendu, je ne manquerai pas un jour d’évoquer les bienfaits de l’éducation à l’anglaise.

Mais pour ce billet, qui fait suite à 
celui-ci, je vais creuser un autre aspect de l’époque victorienne (et post victorienne) qui me plait particulièrement, à savoir la domesticité et son fonctionnement à la fin du XIXème/début XXème siècle.

Dans un premier temps, et c’est l’objet de ce post, je vais disséquer la domesticité anglaise de cette époque en m’intéressant à son histoire, à ses conditions de vie, à sa hiérarchie très organisée et à ses règles de fonctionnement.
Le parallèle avec la discipline domestique contemporaine parait tellement couler de source, que dans un second temps l’élaboration d’un petit guide moderne du parfait domestique m’a paru évident (dans un prochain post).
Ou comment s’inspirer d’une société séculaire pour dès à présent domestiquer son homme à demeure…




- Histoire et statut social...

Au XIXème siècle, la population est divisée en quatre classes sociales distinctes : la noblesse et l’aristocratie, la bourgeoisie (« middle class »), la classe ouvrière supérieure (« upperworking class ») et la classe ouvrière inférieure (« lowerworking class »).
Les Victoriens définissent la bourgeoisie comme regroupant « 
tous ceux qui exercent une profession exigeant de la compétence ou de la réflexion, et non un labeur physique ». La noblesse et l’aristocratie sont, quant à elles, le sang bleu du pays.
Ce sont les maisons nobles et bourgeoises qui accueillent la plus importante domesticité (18% de la force de travail en Angleterre). Une maison de bonne taille emploie généralement une vingtaine de personnes ; un château peut en compter des centaines.
Entre 1850 et la Grande Guerre, le nombre de domestiques diminue considérablement tandis que la profession se féminise de plus en plus.

Omniprésents, les domestiques sont chargés de tâches très variées et occupent des fonctions très hiérarchisées.
Ils sont bien souvent plus à cheval sur l’étiquette et plus mondains que leurs maîtres, et attachent une grande importance au statut que leur confère la position sociale de ces derniers. Tout domestique nourrit ainsi le désir de travailler au service de personnes de qualité.
En effet, œuvrer dans une maison respectable est considéré comme un moyen de «s’améliorer».

Toute la bourgeoisie, de la plus haute à la plus modeste, a son (ou ses) domestique(s). C’est une nécessité sociale que l’époque impose. A tel point que sans serviteur, il est impossible de se définir comme bourgeois, ce qui vous rejette de facto du côté des prolétaires.

Ainsi, bon nombre de personnes possédaient un domestique alors même que leurs revenus ne leur permettaient pas.
Cette distinction sociale participa à l’essor de la domesticité au XIXème. Marcel Cusenier écrivait en 1912 : 
«Il n’est donc pas étonnant de voir quantité de jeunes gens quitter les travaux des champs, pénibles et peu rétribués, pour aller servir dans les villes, comme domestiques ; ils s’en vont, sans idée aucune de ce qui leur sera demandé, croyant tout savoir et ayant tout à apprendre : maintien, langage, serviceLes maîtres ont le droit d’exiger de leurs domestiques, à moins que ce ne soit des gens faibles, insouciants, sans esprit et sans caractère qui ne savent pas se faire servir ».

« Savoir se faire servir »… à méditer


- Vie sociale et conditions....

La vie dans un château ou une maison bourgeoise ne peut se concevoir sans la collaboration de deux mondes : d’une part celui des maîtres, de l’autre celui des domestiques. Sans les seconds, les premiers ne sauraient tenir le rôle de premier plan qu’ils ambitionnent dans la société. Aussi les relations sont-elles étroites entre ces deux mondes.
Ainsi, la vie quotidienne d’un maître ou d’une maîtresse de maison qui traite mal ses domestiques peut rapidement devenir un enfer, à l’instar de ce que décrit une femme de chambre de l’époque :
« Ici, personne ne lui pardonnera cela. Pour elle, il ne sera plus possible de boire son thé chaud le matin : il sera tout juste tiède. À chaque fois, nous serons désolés, nous nous demanderons comment cela a pu se produire, mais cela se reproduira. Ses plus beaux vêtements seront traités à la va-vite dans la buanderie, certains seront même déchirés, et personne ne sera capable de désigner le responsable. Chacun dira avoir trouvé le vêtement dans cet état. Quant à son courrier, il sera remis à quelqu’un d’autre ou caché entre les pages d’un livre, les messages qu’elle recevra ou qu’elle enverra seront retardés. Son appartement va se refroidir, pour la bonne raison que les valets seront trop occupés pour venir allumer le feu dans ses cheminées, et son thé du soir lui sera servi très tard. Et il ne faudra pas qu’elle compte sur l’intendante ou la cuisinière pour y mettre le holà ! Ces deux-là seront aussi innocentes et souriantes que nous autres, mais n’auront pas la moindre idée de ce qui aura pu se passer. Et le majordome ne lèvera pas le petit doigt non plus. Il a beau avoir de grands airs et se prendre pour un duc, cet homme-là sait être loyal quand il le faut. Il fait partie des nôtres. »

Les domestiques commencent à travailler très jeunes, le plus souvent vers 12 ans, mais de nombreux enfants exercent des tâches ménagères dès l’âge de 6 ans. Dans de nombreux cas ils héritent du poste de leurs parents. Ils sont souvent issus des campagnes car on les pense plus travailleurs et obéissants que les gamins des villes.

Jusqu’en 1890, les domestiques n’ont pas de temps libre et doivent demander la permission pour obtenir de brefs moments de loisir, ce qui n’est généralement pas approuvé par leurs employeurs. Toutefois il leur en est quelque fois donné en récompense d’un bon travail, mais il peut être facilement supprimé en guise de punition.
L’un des obstacles les plus courants et les plus difficiles qu’ils doivent surmonter est la solitude et l’isolement. Pour la plupart d’entre eux, la vie sociale « d’en bas » se restreint aux contacts avec un ou deux autres domestiques. Ils travaillent 7j/7 et jusqu’à parfois 16h/jour, ce qui rend cette vie sociale bien moins facile que celle des ouvriers ou des employés de bureau qui eux travaillent 6j/7 et 10h/jour.
Puisqu’il est interdit d’avoir des soupirants, ils doivent toujours rencontrer leur petit(e) ami(e) en secret. Naturellement il existe des cas, surtout dans les grandes maisons, où des unions entre le personnel féminin et masculin se créent. Mais si cela se sait, les deux contrevenants risquent de perdre leur place.
La grande majorité du personnel féminin se marie pourtant en moyenne vers l’âge de 25 ans. En général, elles ont servi pendant 12 ans, ayant occupé entre trois à cinq postes. Une fois mariées, elles éprouvent beaucoup de difficultés à conserver leur travail, car la société attend d’elles qu’elles s’occupent de leur mari et de leurs enfants.

A partir de 1890 les domestiques reçoivent une semaine de congés par an et dépensent généralement toutes leurs économies de l’année pour s’offrir un billet de train. Le prix des transports implique que la plupart d’entre eux ne voient pas leurs amis ou familles pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.
Le salaire qu’ils perçoivent est assez faible du fait qu’ils sont nourris, logés, habillés et blanchis. Ils ont cependant la possibilité d’améliorer leur ordinaire grâce à quelques avantages en nature : de la part des commerçants qu’ils visitent pour le compte de leurs employeurs, grâce aux étrennes, aux cadeaux divers ou aux restes de nourritures et fournitures non utilisés, offerts par les maître(sse)s.

Un exemple des gages perçus à l’époque victorienne par le personnel féminin, vers 1890 (le coût de la vie n’étant pas précisé, c’est uniquement pour représenter les écarts selon le poste) :


Fonction
Age moyen
Gages annuels
Bonne débutante
19
£10
Fille de cuisine
19-20
£13
Bonne
20-25
£16
Bonne particulière
25-30
£20
Cuisinière (aide)
25-30
£20
Femme de chambre
30-36
£24
Cuisinière / intendante
40
£35
Intendante
40
£52



En ce qui concerne les conditions de vie des domestiques, elles sont bien souvent très spartiates.
Il dorment pour la plupart dans la cuisine ou dans des placards sous les escaliers. Ce n’est que sur la fin de l’ère domestique qu’ils bénéficient de chambres dans les combles, mais elles sont froides, humides, sans eau et mal éclairées.
De plus, leurs employeurs y interdisent toutes décorations personnelles (photographies, tableaux, etc…). Ils s’arrogent même le droit de fouiller dans leurs affaires quand bon leur semble. Les manuels de la bonne société de l’époque indiquent que « 
la chambre d’un domestique ne doit comporter qu’un minimum d’articles nécessaires au confort« .
Cependant, les hommes continuent souvent à dormir au RDC afin de protéger la maisonnée.

Les cuisines (qui font aussi office de chambre donc) sont petites, encombrées et peu ou pas aérées du tout. La bonne doit y passer son existence sans pouvoir se retourner aisément, avec la chaleur des fourneaux, les fumées, les odeurs la poussière, ce qui la force à travailler fenêtres ouvertes été comme hiver. Conséquence de cette absence totale d’hygiène et de réglementation du travail : surmenage, maladie (anémie, tuberculose…), troubles mentaux…

La charge de travail quotidienne est lourde et épuisante, les heures sont longues, mais en dépit de tout cela la vie n’est pas toujours mélancolique et triste. Il y a aussi des moments de plaisir, de joie et de satisfaction.
Malgré la nature monotone et frustrante de leur statut, la plupart des domestiques sont très fiers de leur travail et se révèlent souvent efficaces et compétents au service de leurs employeurs. Ils apprécient grandement toutes les occasions de distraction, de loisir et de temps libre qui leur est accordé.




- Hiérarchie et tâches...


Le nombre de domestiques dans une maison ou un château peut être assez élevé dans certains cas. Afin de s’y retrouver, et pour le bon fonctionnement des lieux, une hiérarchie est instaurée au sein des employés. Chacun occupe un poste particulier et se doit d’observer des règles strictes.

La chaîne de commandement distingue ainsi deux grandes catégories : les domestiques « d’en haut » et ceux « d’en bas ». Les maître(sse)s sont bien sûr tout en haut de la pyramide. Dans chaque catégorie, une hiérarchie interne existe également en fonction de la spécialité de chacun(e).
A noter, en dehors de toute notion de hiérarchie, que les deux pivots d’une maisonnée sont le majordome (en contact direct avec l’employeur, il sert d’intermédiaire entre celui- ci et les domestiques) et le chef cuisinier.


Les domestiques « d’en haut » sont, dans l’ordre hiérarchique :

  • la gouvernante (governess en anglais) ; elle n’est pas tout à fait une domestique ni vraiment un membre de la famille, et est considérée comme appartenant à la bourgeoisie. La gouvernante est chargée des enfants quand ceux-ci ne sont plus en âge d’être placés sous les soins de la nurse. Elle les éduque et leur apprend les règles du savoir-vivre. Elle peut aussi faire office de dame de compagnie pour Madame et accompagne la famille dans ses déplacements. Elle vit au même étage que ses maître(sse)s.

  • le précepteur (private tutor) ; de par son savoir il bénéficie d’un statut privilégié dans la maisonnée. Il donne des leçons particulières aux enfants des employeurs dans les matières nobles (sciences, humanités, etc).

  • le majordome (butler) ; il est exclusivement attaché au service des maîtres et occupe un poste de confiance. Il se distingue pas son excellente présentation, sa fidélité, son honnêteté, son ardeur au travail et sa discrétion. Il dirige l’ensemble des domestiques de la maisonnée et n’accomplit aucune tâche ménagère, à part peut-être l’ouverture des bouteilles de grands crus. Il est aussi chargé de la sécurité, du nettoyage de l’argenterie et des biens de valeurs. Il gère la disposition de la table et annonce le repas au maître de maison. Durant le repas, il se contente de découper les viandes et de retirer les couvercles des plats. A la fin de la journée, il s’assure que toutes les fenêtres soient bien fermées, que la vaisselle soit bien rangée et que toutes les cheminées soient sécurisées. Sa tâche principale est de superviser le bon fonctionnement de la maisonnée et de diriger la domesticité masculine, depuis son petit bureau.

  • l’intendante (housekeeper) ; elle engage et dirige la domesticité féminine. Elle s’occupe des achats, des dépenses quotidiennes, de l’approvisionnement et de l’inventaire pour la cuisine, des clés de la maison, ainsi que des comptes. Son petit bureau est près de la cuisine. Elle gère aussi tout le linge de maison, veillant à ce que les maîtres et le personnel aient toujours à disposition du linge et des draps propres; elle supervise également le nettoyage des meubles. Elle est placée directement sous les ordres de la maîtresse de maison et organise le travail de la maisonnée en accord avec les instruction de celle-ci. On l’appelle « Madame untel » (« Mistress » en anglais).


  • le chef/la cuisinière (chef, cook) ; le chef (ou la cuisinière) règne en maître sur la cuisine comme un général sur son armée (d’où le terme de brigade). Il/elle dirige les petites mains chargées des travaux de base, veille à la confection de tous les repas de la maisonnée, ceux des maîtres, des invités comme ceux des domestiques, et reçoit les demandes spéciales par l’entremise de l’intendante. Mais l’inventaire des produits et ingrédients ne lui incombe pas puisque ce privilège revient à l’intendante.

Toujours parmi les domestiques « d’en haut », mais plus bas dans l’échelle, viennent ensuite les domestiques « personnels », au service plus intime des maîtres :

  • le valet de chambre (valet) ; très dévoué, il s’occupe des vêtements (disponibilité, entretien), des armes et des effets personnels du maître. Il veille à l’application du code vestimentaire de son maître, tant pour ses diverses rencontres journalières que lors des soirées mondaines. Il prend à sa charge les tâches de l’intendante en cas de célibat de son maître et d’absence de personnel féminin. Il lui arrive aussi de servir de garde du corps. Le valet de chambre partage donc l’intimité de son maître de maison, d’autant plus qu’il l’aide à la toilette et à son habillage.

  • la camériste, ou femme de chambre (Lady’s maid) ; elle s’occupe de la garde-robe des Dames de la maison, les coiffe, les habille (pour les petites et grandes occasions) et les aide dans leur toilette. Une femme de chambre est spécialement chargée d’accueillir les visiteurs. Sélectionnée sur son apparence physique, elle a pour mission de traverser le salon de réception tête haute et de faire froufrouter ses jupons (tenue de rigueur exigée donc) pour aller ouvrir la porte d’entrée. Elle recueille à l’occasion les confidences de ses maîtresses, tout en se gardant de leur donner des conseils.

  • la garde-malade (home nurse) ; elle est une infirmière privée qui s’occupe des maîtres dont la santé est souffrante. Elle n’est embauchée qu’à titre temporaire mais est logée dans la demeure

Les domestiques « d’en bas » (voués aux travaux plus grossiers et aux tâches quotidiennes), appelés aussi « petit personnel », sont, dans un ordre plus ou moins hiérarchique :

  • la nourrice ou bonne d’enfants (nurse) ; elle s’occupe des enfants en bas âge, jusqu’à ce qu’ils soient confiés à la gouvernante.

  • la servante ou bonne (maid) ; la fameuse « soubrette » (terme qui désigne en fait une petite servante) telle qu’on l’appelait à l’époque. Elle est chargée de l’époussetage, d’aider au nettoyage de l’argenterie, de mettre la table, de servir les repas, de nettoyer et ranger les chambres et les salles de bains. Elle est également en charge du petit ménage, de la couture, des lessives, de faire chauffer l’eau des bains, d’entretenir les parquets, de faire les vitres, de cirer les chaussures et de vider les pots de chambre.

  • la lingère (laundry maid) ; dans une grande, voire très grande maisonnée, c’est la bonne plus spécialement chargée de laver et d’entretenir le linge de maison.

  • le valet de pied ou laquais (footman lackey) ; il est l’homme à tout faire de la maison et l’équivalent masculin de la servante. Ses tâches sont donc très variées et nombreuses : il porte les bagages, tire l’eau du puits, est responsable du bon fonctionnement des poêles, nettoie les latrines, aide à l’entretien de l’argenterie, fait les courses, assure le service des repas, nourrit les chiens et de manière générale prête main- forte à tous ceux qui ont besoin d’aide. Il accompagne aussi le maître des lieux à la chasse, lui sert son petit-déjeuner et fait office parfois de garde. Il est choisi pour sa prestance et sa belle apparence.

  • le garçon de course (page) ; il est chargé de porter les lettres et les cartes de visites, ainsi que d’aller parfois chercher les achats des maîtres.

  • le cocher, postillon ou chauffeur (coachman, driver) ; il est chargé de véhiculer les maîtres, que ce soit en calèche ou en « automotive ». Il s’occupe également des petits travaux de réparation de la maison. Il lui arrive de s’occuper des chevaux.

  • le groom ; jeune laquais d’écurie voyageant à l’arrière sur le marche-pied des voitures hippomobiles. Il ouvre la portière, aide les Dames à descendre, porte les paquets dans les coffres…

  • le garde-chasse (game-keeper) ; il veille sur le parc et les bois du domaine, empêche les braconniers de sévir et entretient le gibier. Il prépare les chasses du maître et l’y accompagne.

  • le jardinier (gardener) ; il soigne et entretient les jardins

  • le palefrenier ou garçon d’écurie (stable boy) ; il est chargé de l’entretien des écuries, s’occupe des chevaux et de la basse-cour, scie et coupe du bois pour le chauffage, fait des travaux de jardinage, s’assure que le chemin qui mène au château est en bon état et que l’escalier est bien accessible. Lors des sorties il s’assied à côté du cocher.

  • l’aide de cuisine (scullery maid) ; elle allume les fourneaux, porte les seaux d’eau depuis le puits, épluche les légumes, lave la vaisselle et aide de manière générale à préparer les repas. Elle est bien sûr au service du chef ou de la cuisinière. Quand lors de très rares occasions elle quitte la cuisine, elle a le devoir de se faire toute petite pour se rendre dans d’autres pièces (par exemple pour aider au nettoyage des cheminées ou toute autre tâche ménagère dite ingrate). Sa seule présence dans les pièces du domaine peut créer un fort malaise.

  • le valet de ferme ; employé dans une exploitation agricole ou viticole. Il est le manœuvre ou ouvrier agricole.


- Vie sociale et conditions...


La hiérarchie seule ne suffit pas à la bonne tenue d’une maisonnée. L’ordre est une chose, mais la présentation, la bonne attitude et la discipline sont nécessaires afin d’obtenir une armée de serviteurs la plus efficace possible.
De plus, à cette époque, la bonne tenue de cette fourmilière reflète bien souvent la prestance de leurs maîtres en société, spécialement lorsque des invités sont conviés à demeure.
Ainsi, outre les tâches à exécuter, les domestiques se doivent d’adopter une attitude et une présentation impeccables.

La tenue, pour commencer. Elle est ce qui saute aux yeux de chacun avant toute compétence éventuelle. Elle permet aussi de distinguer les rôles de chaque serviteur. Une tenue d’un domestique qui oeuvre au sein de la demeure (il en est évidemment autre pour les jardiniers, palefreniers, etc…) se doit d’être neutre, c’est à dire noire et blanche, parfaitement propre et repassée, mais aussi adaptée à la tâche (une cuisinière portera le tablier, une servante la tenue de soubrette, alors qu’un majordome devra porter noeud papillon et costume trois pièces, par exemple). Les maîtres étant confrontés quotidiennement à leur personnel, il va de soi que leur regard soit critique. L’habit faisait le moine en ce temps là, mais il motivait aussi à s’investir au mieux dans sa tâche.

La discipline est également très rigoureuse. Les domestiques sont tenus d’exécuter immédiatement les instructions des maîtres du mieux qu’ils peuvent et sans contestation aucune, sous peine de se voir sanctionner ou même renvoyer sur le champ dans le pire des cas.
Comme pour toute discipline bien huilée, il est nécessaire d’obéir à plusieurs règles très strictes. De manière générale, elles sont régulièrement rappelées aux domestiques, en plus d’être apprises dès leur arrivée. A noter que ceux « d’en haut » connaissent déjà parfaitement les codes de par leur grand professionnalisme. Il est donc fort logique qu’ils soient encore plus sévèrement sanctionnés lorsqu’ils faillissent, puisqu’ils sont censés donner l’exemple.

Voici les règles érigées les plus usitées et importantes que les domestiques doivent respecter (l’ordre n’indique aucune hiérarchie spécifique ):

  1. Lorsque vous croisez les maîtres dans la maison ou dans le jardin, vous devez leur céder respectueusement la place en vous faisant le plus invisible possible (rasez les murs et détournez le regard). D’une manière générale, soyez le plus invisible possible.
  2. En présence de Madame, ne parlez jamais à un autre domestique, même de votre rang, ou à un enfant, à moins que vous n’y soyez contraint par la nécessité du service. Dans ce cas parlez brièvement et le plus doucement possible.
  3. Lorsque vous parlez aux maîtres, vous êtes tenus de les appeler « Madame », « Mademoiselle » ou « Monsieur » (en anglais « Miss », « Mrs » ou « Sir »), et ce dans chacune de vos phrases.
  4. Quand on s’adresse à vous, restez tranquille, gardez les mains immobiles et regardez toujours la personne qui vous parle.
  5. Les Dames et Messieurs ne doivent jamais entendre votre voix, à moins qu’ils ne se soient directement adressés à vous en vous posant une question ou par nécessité absolue de service. Quand vous répondez, parlez le plus brièvement possible. D’une manière générale, ne faites aucun bruit audible par les maîtres.
  6. Pour le « petit personnel », tels que valet de pied ou aide de cuisine, il est strictement interdit de s’adresser aux maîtres, pas même par nécessité de service. En ce dernier cas, il vous faut vous adresser à un supérieur hiérarchique « d’en haut » afin qu’il transmette lui-même l’information aux maîtres.
  7. Quand cela est possible, les effets personnels tombés à terre (lunettes, mouchoir ou autres petits objets) doivent être rendus à leur propriétaire sur un plateau.
  8. Répondez toujours (sauf demande express contraire) quand vous avez reçu un ordre. Ne pas oublier l’entête (« Madame », « Mademoiselle » ou « Monsieur »), même pour les invités.
  9. Ne donnez jamais votre avis à votre employeur ou à un invité.
  10. Sauf pour répondre à une salutation qui vous est offerte, ne dites jamais « bonjour » ou « bonsoir » à votre employeur.
  11. Quand vous accompagnez Madame ou Monsieur pour porter des paquets, ou pour toute autre raison, restez toujours à quelques pas derrière.
  12. Vous devez toujours être à l’heure et à votre place au moment des repas (ou tout autre moment selon votre tâche).
  13. Vous n’avez pas le droit de recevoir des parents, des amis ou des visiteurs dans la maisonnée, pas plus que d’introduire une personne dans les parties communes qui vous sont attribuées, sans le consentement du majordome ou de l’intendante.
  14. Les petit(e)s ami(e)s sont strictement interdit(e)s.
  15. Les objets cassés et les dégâts faits dans la maisonnée sont déduits des gages.
  16. La gouvernante n’a pas le droit de s’associer intimement à la famille ni de se sentir à l’aise avec les autres domestiques.
  17. Les parties de la maisonnée réservée aux maîtres englobent les salles aux rdc (boudoir, salle à manger, jardin d’hiver, grand salon, fumoir, bibliothèque, bureau, etc.) et les appartements privées aux étages. Elles sont strictement interdites aux serviteurs, sauf pour y travailler. Les seules parties autorisées sont le sous-sol ou le dernier étage pour les chambres (cuisine ou soupentes sous les escaliers pour ceux qui y dorment).


Toutes ces règles et bien d’autres encore se lisent dans ces documents de l’époque :


Le « Manuel des bons domestiques » (1896) qui conseille par exemple d’avoir des domestiques soignés qui « se laveront les mains, seront peignés et auront des vêtements en ordre avant de prendre leur service« .








Autre exemple, le « Manuel complet des domestiques » (1836) demande aux domestiques « une obéissance portée jusqu’à l’abnégation, une fidélité scrupuleuse, un zèle de tous les instants, une discrétion à toute épreuve, de l’ordre et du désintéressement« .











Enfin, le « Manuel du valet de chambre » (1903) nous dit : « On ne saurait trop insister sur ce point; un domestique qui approche ses maîtres, qui vit dans leur intimité, ne doit pas se rendre désagréable à la vue ni à l’odorat; il doit donc avoir un soin tout particulier de sa personne; se laver souvent à fond; changer fréquemment de linge et de chaussettes; avoir toujours les cheveux en ordre, le visage bien rasé, les mains et les ongles aussi propres que le permet le travail. Ne pas se servir de cosmétique, ni de pommade ni d’aucun parfum« .

2
22 JUILLET 2018 PAR PREGADOR